Il arbitre depuis 30 ans et occupe le siège du directeur de l’arbitrage pour la région des Trois-Lacs. Il passe entre 20 et 30 heures par semaine à recruter des arbitres, à les former, à organiser les horaires, à assurer le développement des jeunes et, naturellement, à arbitrer. Policier à la Ville de Montréal, Raynald Groleau a certainement soif de justice, mais est avant tout un amoureux du hockey.
On les insulte, on les hue, on les vilipende et pourtant les arbitres sont aussi essentiels à un match de hockey que les joueurs. Ils font partie du jeu avec tout ce qui vient avec : « J’aimerais arbitrer le match d’en haut et ne pas être dans les jambes, mais ce n’est pas possible, explique Raynald Groleau. Il va toujours y avoir des erreurs. Manquer un offside, ça fait partie du hockey. Le sport est humain et les arbitres le sont aussi. Souvent, le monde oublie cet aspect-là. Les joueurs et les entraineurs font aussi des erreurs, mais les arbitres n’ont pas le droit d’en faire. » Rappelant que le hockey est l’un des sports les plus rapides au monde et qu’un arbitre doit prendre une décision chaque seconde et demie tout au long du match, Raynald Groleau admet que l’aspect le plus difficile de son métier est la gestion de l’intensité des émotions. Mais cette intensité n’est pas seulement redevable aux arbitres, elle est du ressort de tous : « Très souvent, avoue-t-il, je rappelle des coachs à l’ordre. J’essaie de les sensibiliser. Si vous insultez les jeunes sur la glace, ils vont lâcher. Je dis aussi aux parents, si vous pensez que vous êtes meilleurs que l’arbitre sur la glace, donnez-moi vos noms, c’est moi le directeur des arbitres, je vous embarque sur la glace l’année prochaine. Vous me prouverez que vous êtes meilleurs que lui. Ces gens-là ne m’appellent jamais. »
Au-delà de la gestion d’une partie, l’arbitre, pense Raynald Groleau, a le rôle de laisser jouer les enfants en toute sécurité et dans le plaisir que procure la pratique du sport le plus aimé au Canada. «Je pourrais réécrire le livre des règlements et trouver 5000 autres infractions qu’on va appliquer, mais est-ce que ça va rendre le sport plus le fun? Est-ce que ça va être plus facile à gérer? Il faut laisser les jeunes jouer au hockey », croit l’homme qui passe 11 mois par année sur les glaces d’ici et d’ailleurs. Heureux de voir les jeunes arbitres qu’il a formés progresser aux rangs d’élite et provincial, l’homme compare l’équipe d’une soixantaine d’arbitres qu’il dirige à une équipe de hockey : « Tu as tes meilleurs éléments, tu en as de moins bons, tu dois faire jouer tout ton banc et apprendre aux meilleurs à devenir encore meilleurs pour jouer dans les catégories supérieures. » Selon lui, un bon arbitre doit pratiquer de quatre à cinq ans dans une catégorie avant d’être vraiment à l’aise. Comme parent et comme entraîneur, si l’on admet que les jeunes doivent d’abord jouer et s’amuser, peut-être qu’il faudrait faire de même avec les arbitres. Tout le monde s’en porterait mieux, à commencer par les jeunes qui sautent sur la glace dans l’indifférence, vêtus de leur chandail rayé noir et blanc.
Les arbitres, peu importe le sport qu’ils jugent, seront toujours les boucs émissaires des décisions douteuses qu’ils peuvent prendre et n’attendent plus après les félicitations des uns et dans leur travail. Mais ici, maintenant, levons notre casque aux justiciers des glaces et à tous les Raynald Groleau du Québec : vous êtes essentiels, humains et bienvenus à la veille de cette nouvelle saison qui promet d’être forte en émotion.
Par : Patrick Richard