(Français) Vers la fin des années 2000, des intervenants de la Commission scolaire des Trois-Lacs, du Conseil des commissaires et du ministère de l’Éducation du Québec discutaient de la pertinence d’implanter un programme Sport-études dans la région de Vaudreuil-Soulanges.
Vers la fin des années 2000, des intervenants de la Commission scolaire des Trois-Lacs, du Conseil des commissaires et du ministère de l’Éducation du Québec discutaient de la pertinence d’implanter un programme Sport-études dans la région de Vaudreuil-Soulanges. Des responsables des trois écoles secondaires ont été rencontrés, des statistiques ont été présentées et des réponses ont émergé des questions soulevées : oui, absolument oui, la venue d’un programme Sport-études dans la région de Vaudreuil-Soulanges serait salutaire au développement des élèves de niveau secondaire. C’est ainsi qu’en 2012, le programme Sport-études de l’école secondaire Chêne-Bleu vit le jour. À l’aube de célébrer la sortie de la première cohorte, entrons au cœur de ce programme afin de comprendre un peu mieux pourquoi il change bien souvent la vie des enfants et des parents de ces enfants.
Francine St-Denis, présidente de la Commission scolaire des Trois-Lacs, parle avec fierté de ce programme, essentiel selon elle pour préserver la santé du système d’éducation public : « En partant du constat que 20 % des jeunes quittaient pour le privé, les gens se demandaient sur le terrain pourquoi il n’y avait pas de programme de Sport-études dans la région, explique la présidente. Notre rôle est d’être à l’écoute de ce qu’on a besoin et de répondre à ces besoins. Nous sommes privilégiés dans notre région. Nous avons les meilleures personnes autour de nous. Quand le sport entre dans leur vie, les adolescents passent leur secondaire sans s’en rendre compte. C’est une belle histoire ». Mettre en place un programme où les élèves vivent leur matinée sur les bancs d’école et tous leurs après-midis à exercer leur sport de prédilection n’allait pas nécessairement de soi. Aude Martin, directrice du programme, se rappelle : « Tout était à bâtir. Ce fut énormément de travail, notamment de faire les liens avec les mandataires sportifs. Ces derniers appelaient les élèves un a un », affirme-t-elle en spécifiant que le programme est passé de 63 élèves sur trois niveaux il y a cinq ans à 250 élèves inscrits à tous les niveaux aujourd’hui. Quant aux mandataires sportifs, ceux avec qui les élèves peuvent passer 15 heures par semaine à nager, frapper des balles ou boxer, ils étaient 6 au départ et 23 cinq ans plus tard. Un succès salutaire dont on commence à peine à mesurer tous les bienfaits.
Bien avant de former des athlètes, le programme de Sport-études vise d’abord à mener ses élèves jusqu’à l’obtention de leur diplôme d’études secondaire dans les délais requis : « Nous le disons à nos élèves, s’exprime Aude Martin, les chances qu’ils gagnent leur vie en étant un athlète professionnel sont minces. L’obtention d’un diplôme scolaire est essentielle et nous voulons leur offrir le meilleur diplôme possible. » Plus qu’un simple bout de papier, le diplôme obtenu, espère-t-on, englobera aussi une expérience positive de l’école et l’acquisition de saines habitudes de vie. Les différentes études sur la question, estime la directrice, démontrent qu’un nombre de 15 à 20 heures d’entraînement par semaine est nécessaire pour développer des athlètes de niveau national et international. Dans un horaire régulier, en dehors d’un programme valorisant les parcours académique et sportif à l’intérieur d’un environnement structuré, cela revient à s’entraîner tous les soirs et les fins de semaine. Un horaire exigeant pour les jeunes chez qui le sport et les études font deux. « Ça change une vie, ajoute la directrice. Ceux qui peinaient à conjuguer études et sports de haute performance réussissent bien en Sport-études, ceux qui pratiquaient déjà un sport 15 heures par semaine retrouvent du temps libre les soirs de semaine. » Voilà un fait intéressant : nous pourrions penser qu’un programme comme celui-là s’adresse à l’élite des élèves, à ceux qui ont déjà du succès et qui n’ont pas trop de difficulté scolaire. Pourtant, on ne parle pas ici d’un exemple d’un système d’éducation à deux vitesses. Loin de là, aux yeux d’Aude Martin : « Tous nos élèves qui désirent réussir, qui mettent les efforts et suivent les recommandations sont en réussite, affirme-t-elle, et ce n’est pas parce qu’on sélectionne les meilleurs élèves de la région. Certains arrivent avec des difficultés, d’autres avec des plans d’intervention et on est en mesure de faire en sorte qu’ils soient en réussite, car ils sont très encadrés. »
Le fait que 250 élèves partent chaque jour vers 12h10 en direction d’une vingtaine d’endroits demande un encadrement et une gestion quotidienne hors norme. Yannick Guay, coordonnateur du programme de Sport-études au Chêne-Bleu depuis que celui-ci existe, fait partie de ceux grâce à qui le système fonctionne sans déraillement ni perte d’altitude. Il s’assure, entre autres, que les élèves ne manquent de rien et joue aussi le rôle de courroie de transmission entre le corps professoral, les parents, les élèves et la direction. Tout le monde le connait et Yannick connait tout le monde. Par leur prénom à part ça : « Le système est adapté au développement de l’athlète, s’exprime-t-il, et qui dit athlète de haut niveau dit blessure. Tous les jours, les enseignants offrent une période d’encadrement pédagogique. L’élève peut donc rester à l’école s’il est blessé, s’il a besoin de récupérations académiques ou s’il va ou revient d’une compétition ». La direction s’assure également de former des classes mixtes, de mélanger ceux qui pratiquent un sport individuel avec ceux qui exercent un sport d’équipe et tout ce beau monde se lie aussi d’amitié, pour certains des sports offerts, avec les jeunes d’autres écoles, dont les écoles secondaires des Sources et John-Rennie pour la natation, le soccer, le plongeon, le basketball, l’athlétisme, la gymnastique, le softball et le baseball, et le collège français qui s’ajoute aux deux autres écoles en soccer. On additionne à cela différentes cliniques sur la nutrition, les habitudes de vie et la gestion du stress ainsi que la visite d’anciens élèves venus raconter leur expérience, et voilà un programme invitant pour tout jeune passionné de sport. « Les parents sont vraiment contents, ils sentent que leurs enfants sont bien encadrés », précise Aude Martin. Ils sont satisfaits, peut-être, en raison de l’importance accordée aux études (un devoir non fait et l’élève passe son tour à son activité sportive de l’après-midi) et aux résultats académiques souhaités (une moyenne de 75 % est exigée). Et ça marche! Du moins si l’on met en parallèle le taux diplomation de l’école, soit 92 %, et celui de l’ensemble du Québec (qui était tout près de 78 % l’an dernier). Cela n’est pas seulement imputable au programme Sport-études, mais celui-ci a assurément une incidence sur l’ensemble du Chêne-Bleu où tous les élèves, qui seront environ 1400 en septembre, évoluent à l’intérieur de leur champ d’intérêt.
Encore faut-il être passionné pour pratiquer le même sport 15 heures par semaine : « J’ai déjà demandé à un parent : est-ce qu’il dort avec son bâton de baseball, questionne Aude Martin? Il faut que l’enfant soit passionné ». La passion du sport amène plusieurs de ces jeunes au Centre Multisports, mandataire en gymnastique, cheerleading, softball et tennis, sans oublier les deux nouveaux sports introduits cette année, soit l’haltérophilie et le cyclisme : « Nous avons de très bons commentaires des élèves et des parents », assure Aude Martin. Ils sont quelques kinésiologues à accueillir les jeunes chaque jour au centre afin de parfaire leur apprentissage dans l’une ou l’autre des salles disponibles. Sur l’un des quatre terrains de tennis, par exemple, Étienne Bergeron, entraîneur certifié de niveau 3, forme les jeunes tennismen du Chêne-Bleu et aussi de l’école John-Rennie et du collège de Montréal : « Il n’y a aucune autre place qu’ici pour pratiquer le tennis intérieur dans le Sud-Ouest ni dans l’Ouest-de-l’Île, précise-t-il. Le fait d’avoir quatre terrains permet de développer des jeunes d’ici, ce qu’on ne pouvait pas faire avant. On a aussi le gym perfo, où ils vont tous les jours pour leur développement physique. On est capable de tout avoir à l’intérieur d’un seul endroit, c’est très important pour nous. »
Dans ce contexte, de très bons athlètes sont sur le point d’émerger, aux dires de Yannick Guay, mentionnant au passage les noms de Céleste Dao en golf (voir autre article), d’Alex Marineau en judo (qui s’entraîne maintenant avec Nicolas Gill) et de Mathieu Morin au tennis : « Avant, on parlait de hockey et de baseball, se remémore Yannick Guay. Maintenant, il y a une panoplie de sports, le livre est ouvert! » Ce livre mentionne même le nom de jeunes exilés venus s’établir dans notre région en raison du programme et de la richesse des sports présentés ici : « Notre association avec les Jeux du Québec, la région du Sud-Ouest et le Centre Multisports est gagnante, je pense que tout le monde marche dans la même direction pour les athlètes de haut niveau », énonce Yannick Guay. Tranquillement, mais sûrement, la génération de demain suit sa route, une route inspirante faite d’efforts et de sacrifices et jonchée de médailles métallisées et de diplômes en papier.
Patrick Richard