(Français) Sur un terrain autrefois occupé par les communautés religieuses, Carmen Denis, au cœur d’un après-midi d’un printemps naissant, parle avec passion.
Sur un terrain autrefois occupé par les communautés religieuses, Carmen Denis, au cœur d’un après-midi d’un printemps naissant, parle avec passion. Un vent frais souffle sur les installations du Club de Voile Deux-Montagnes et inspire la femme dont l’amour pour la voile remonte sans doute à quelques vies : « C’est arrivé comme ça, explique la directrice de l’école du Club, je ne me souviens pas. » Elle habite à Val-David, passe ses étés à Vaudreuil-sur-le-Lac, mais a la tête continuellement à l’eau, en pensées ou en réalité. Depuis 25 ans, elle tisse des liens aux quatre coins du globe habillés de plans d’eau. Comme l’eau recouvre 75 % du globe, elle a des amis partout, en Martinique où elle se retrouve bien souvent avec des jeunes de l’école de voile, à La Rochelle où elle a développé des échanges entre les écoles, à Vancouver où elle retourne Pâques après Pâques, ici, partout, sur l’eau, surtout : « Tu peux faire de la voile toute ta vie, pour le voyage, pour te déplacer, raconte-t-elle. Le plaisir de naviguer est toujours là. Mais c’est l’enseignement qui est le plus plaisant. C’est de pouvoir transmettre. Le plan d’eau est un accessoire ».
En mai, elle a entamé sa 7e année à la tête du Club fondé en 1967. Le Club accueille une école de voile qui a vu passer 540 élèves la saison dernière. En 2015, la bonne gestion et les succès de l’école furent récompensés par le Prix de l’école de voile de l’année au Canada, rien de moins. Cela, moins d’un an après que Carmen Denis eut été nommée entraineure de l’année par la Fédération de Voile du Québec : « Une école de voile, c’est une école de vie, illustre-t-elle. On travaille beaucoup avec les yeux bandés, parce que la voile est un sport de sensation. Quand tu arrives à une certaine maîtrise, tu sens tout, tu diriges ton bateau uniquement avec ton corps. L’idéal est d’apprendre avant la puberté. Tu l’as pour la vie après. » Pour enraciner ses propos, la femme parle d’un homme, Armand Blais, un passionné de 93 ans qui a vendu son voilier l’an dernier pour s’acheter une chaloupe avant de racheter un voilier à la fin de l’été : « La voile, tu n’en fais pas le tour en une vie », philosophe-t-elle. Une vie passée à rouler sur les plans d’eau du monde fait de bonnes histoires à raconter. Carmen Denis en a des livres plein la tête et converser avec elle fait oublier le passage du temps. Entre son prochain défi en juillet, une « course de filles », la course Fémina et les formations qu’elle chapeaute pour amener les jeunes jusqu’au seuil de l’équipe olympique si tel est l’objectif, Carmen Denis expose ses joies, ses réflexions et sa vision étrangère aux gens de terre. Comme de naviguer en haute mer où les instruments, la connaissance du courant et de la force des vents ne peuvent rien contre l’empreinte de l’homme devenue dangereuse aux navigateurs : « Le gros défi maintenant est tout ce qui traîne dans l’eau, affirme-t-elle. La nuit, maintenant, tu ne peux pas te coucher et mettre le pilote automatique, il y a plein de trucs qui traînent dans l’eau, dont des conteneurs qui peuvent défoncer la coque ». Mais avant que tout cela parvienne à la réalité des terriens, les eaux tranquilles du Club de Voile Deux-Montagnes accueillent leurs premiers étudiants en juin. Pour le plaisir d’apprendre, pour le plaisir d’une vie faite de vent, de voile et d’eau.