Pour certains, le sport représente un mode de vie. On court, on pousse, on pédale, on sue et on recommence. Pour d’autres, le sport incarne une porte de sortie, peut-être la seule porte ouvrant sur un renouveau, menant à l’estime de soi, débouchant sur une confiance retrouvée.
Quand elle avait 14 ans, Marie-Hélène Marcoux, de Pointe-des-Cascades, apprenait qu’elle était atteinte du cancer, celui que l’on nomme la maladie de Hodgkin, celui qui apparaît dans les ganglions lymphatiques comme disent les médecins aux parents éplorés, aux enfants injustement touchés, aux adolescents délaissés. S’en est suivi le cocktail de traitement et la rémission. Dans ce désert muet, une envolée lyrique figurée par la Fondation Sur la pointe des pieds entre dans la vie de Marie-Hélène. Créée en 1996, cette Fondation organise des expéditions d’aventure thérapeutique pour les adolescents atteints de cancer et depuis peu, pour les jeunes adultes de moins de 29 ans. L’adolescente se rend alors sur l’île d’Ellesmere, une immense île de l’océan Arctique. Elle marche pendant 10 jours. Ils sont 25, dont une douzaine de jeunes en rémission du cancer. Dix jours pour une nouvelle vie : « Pour moi, ça a changé le parcours de ma vie, ça m’a redonné mon envol, et ça
m’a permis de penser que j’étais encore capable de relever des défis. », s’exprime la jeune femme à l’aube de la trentaine. Elle a tant aimé son expérience qu’elle s’est collée à la Fondation et siège aujourd’hui à son conseil d’administration.
Mais en 2012, l’histoire allait prendre une tournure plus croustillante alors que Marie-Hélène rencontre un dénommé Maxime Yelle, un homme à peine plus âgé qu’elle qui a eu le même cancer au même moment. Ça ne s’invente pas. Un élément diffère par contre des deux histoires : Marie a connu la Fondation au moment de sa rémission, Maxime, lui, a été soigné parmi les adultes, loin des activités prévues par la Fondation pour offrir aux ados un nouveau départ. La Fondation Sur la pointe des pieds, Marie lui en a donc parlé. Maxime a écouté, le temps a passé et le couple va se marier cet automne, quelques mois après avoir vécu le Double défi des deux Mario. Lancé il y a sept ans par Mario Bilodeau et Mario Cantin, ce défi vise à recueillir des fonds pour la Fondation Sur la pointe des pieds en proposant un parcours à tous ceux qui sont assez fous pour le faire, soit de traverser le lac Saint-Jean en raquettes, au mois de février. Trois jours, 34 kilomètres, 40 participants, 55 000 $ amassés, une petite tente, du courage et du mercure pour indiquer -48 °C sur le thermomètre : « Ça nous ramène à la base, relate Marie-Hélène, qui a dormi deux nuits sur le lac en février dernier. Je rêvais juste de mon lit, d’une source de chaleur, de pouvoir m’asseoir sur une chaise. Tu te dépasses et tu joues beaucoup avec tes limites. » Son amoureux, lui, s’est rendu au bout de lui-même : « J’avais mal dans le dos, j’étais fatigué, brûlé, raconte-t-il, et je me disais… Là, je partirais, je sacrerais mon camp. J’ai regardé ma blonde, je voyais quelle avait de la difficulté, je me suis rappelé que j’ai passé à travers le cancer, j’ai fait de la chimio, de la radio, j’ai passé par toute la gamme d’émotions par lesquelles ont peu passer, je me suis alors dit ‘’non, c’est pas vrai là, on continue’’. On s’est relevé… »
Quand ils parlent de leur expédition, Maxime et Marie-Hélène ont les yeux lumineux, le verbe facile, la tête ailleurs. La tête dans leur souvenir adolescent à une époque où les jeunes se découvrent autre chose qu’un cancer. « De tomber malade à ce moment-là, mentionne Marie-Hélène, tu te trouves dépendant de tout le monde, tu te trouves différent des autres, tu ne peux pas suivre les jeunes de ton âge. » C’est exactement ce que cherche à contrecarrer la Fondation en proposant aux jeunes de se retrouver avec d’autres jeunes ayant vécu sensiblement la même chose qu’eux. « La tête est tellement habituée de se faire restreindre, avec la maladie et les médicaments, qu’on se crée une barrière, illustre Maxime Yelle. Le corps lui, veut. Physiquement on est capable de la faire, il faut briser cette barrière-là et c’est ce que la Fondation amène les jeunes à faire. Ils sortent de là transformés. » On connaissait le sport comme vecteur d’identité, on peut maintenant l’entrevoir comme guide de survie.