(Français) Le softball dans Vaudreuil-Soulanges
Vous connaissez, le softball? Peut-être avez-vous l’image, comme beaucoup de gens, d’un lanceur dont la balle quitte la main d’un bon coup de moulinet, d’une balle surdimensionnée par rapport à celle utilisée au baseball et de jeunes filles pratiquant un peu leur côté social dans le champ gauche entre deux manches. Tout cela est vrai et tout aussi faux dans ce monde où le plaisir est roi, mais où les reines cumulent aussi les succès. Particulièrement les reines évoluant dans la région du lac Saint-Louis. 19 h. Un vendredi soir d’un printemps gorgé d’eau. Je me présente à la Cité-des-Jeunes avec ma jeune fille de 7 ans dont les lancers, l’été précédent, avaient épaté toute la famille et fait rougir quelques mains pourtant gantées. Nous entrons dans un gymnase déjà saturé de jeunes filles revenues ici après un hiver sans point ni coup sûr. Ma jeune fille Clémence cherche une partenaire avec qui s’élancer. Elle en trouve une qui veut bien l’accompagner dans son premier contact à vie avec le softball. – Fais attention Clémence. Lance comme ci, fait comme ça, n’oublie pas qu’une grosse balle en plein visage, ça fait mal… et encore toutes ces choses inutiles que l’on dit à un enfant qui ne cherche qu’à s’amuser. Une minute, peut-être moins, et ma fille semble déjà dans son élément. J’en profite pour m’éloigner et aller à la rencontre de Johanne Beaudoin, présidente de la ligue de la Presqu’île et de celle du lac Saint-Louis. Je lui pose trois questions en même temps, l’entrevue est commencée.
Mettons tout de suite une chose au clair : le softball n’est pas du baseball. Ça lui ressemble, mais ce n’est pas ça. Le softball serait né à Chicago vers 1887, une quarantaine d’années après que les règles du baseball eurent été codifiées. Il faut attendre 1934 pour voir émerger la première association de softball aux États-Unis et l’année 1996 pour apprécier son entrée aux Jeux olympiques d’Athènes. Le softball effectuera d’ailleurs un retour sur la scène olympique après une absence de 12 ans aux prochains Jeux d’été, ceux de Tokyo en 2020. C’est donc un sport en lui-même et pas une pâle copie du baseball, pourrait-on croire. Notons aussi une balle plus grande et de couleur jaune, un lanceur qui lance « par en dessous » et une dimension plus petite entre les buts comparativement au baseball. Pour le reste, on se retrouve en terrain similaire : « C’est un sport fun, mentionne Johanne Beaudoin qui baigne dans le softball depuis qu’elle est toute jeune et encore plus depuis que ses filles y ont goûté il y a quelques années. Il y a beaucoup d’interaction entre les filles. Quand elles sont sur le banc, elles s’encouragent, interagissent, elles chantent, c’est très social. Pour une fille c’est vraiment le fun, mais c’est très difficile d’enlever la mentalité du parent qui pense que c’est « plate », qu’elles ne font rien, mais ce n’est pas vrai. Quand elles sont bien entourées et coachées et que le niveau monte, il y a beaucoup de jeu défensif, de balles frappées. »
Dans la grande région du lac Saint-Louis (qui regroupe elle-même les régions de Châteauguay, du Lakeshore, de Valleyfield, de la Presqu’île, de Saint-Lazare et de L’Île-Perrot), le softball est une affaire de filles. Ailleurs dans la province, comme à Québec, on retrouve des ligues mixtes. Mais ici, les cris du champ droit au champ gauche sont plus souvent aigus qu’autre chose : « Quand on sort de la région, le sport est à la baisse, car le baseball va chercher les filles, précise la présidente de la ligue. Là-bas, ils n’ont pas le droit de promouvoir le sport dans les écoles, ici on a le droit. » Résultat : le softball est en croissance malgré l’attrait d’autres sports, comme le soccer pour ne pas le nommer : « En bas âge, c’est le soccer qui prédomine, poursuit Johanne Beaudoin. C’est difficile d’attirer des joueuses, car au soccer, elles jouent plus de matchs, elles ont beaucoup de joueuses. Le softball n’est pas un sport riche ni connu. C’est difficile d’aller chercher les filles parce que quand tu leur parles de softball, elles se demandent ce que c’est. Ce n’est pas quelque chose que tu fais en éducation physique… » Quand elle a pris la direction de la ligue de la Presqu’île il y a quelques années, Johanne Beaudoin a mis l’accent sur le recrutement afin de constituer un bassin qui, à terme, offrirait des équipes en U12, U13, U14, etc. Cette année est la première où la ligue a une équipe en U14.
La popularité du softball dans la région du lac Saint-Louis place les joueuses d’ici parmi les meilleures de la province, si bien qu’elles se retrouvent souvent seules au sommet quand elles remportent le tournoi de fin d’année : « Dans la région du lac Saint-Louis, on est trop fortes, admet Johanne Beaudoin. Quand tu gagnes le tournoi de fin de saison ici, qui est très difficile à gagner, l’équipe va gagner les provinciaux ». Mais le but premier de la ligue n’est pas tant de former des championnes que de développer des joueuses et leur plaisir de jouer. Comme le mentionne la présidente qui est aussi professeure de sciences en dehors des heures de bénévolat qu’elle consacre à la ligue, les jeunes joueuses sont guidées dans le but de se développer, pas de gagner. L’objectif change en vieillissant, mais encore faut-il trouver chaussure à son pied rendu au bout du chemin : « J’aimerais bien que le niveau de compétition soit plus égal, admet Johanne Beaudoin quand on lui demande ce qu’elle ferait de son sport avec une baguette magique. Notre ligue maison fonctionne très bien, mais quand on arrive dans le AA et le AAA, il y a moins de joueuses. J’aimerais que toutes les régions fonctionnent bien pour qu’il y ait un bon niveau de compétition. Mais ici, nous sommes déjà au maximum en raison des terrains. C’est un autre monde quand tu sors du Québec. Les lanceurs de 10 ans en Ontario lancent comme les filles de 13 ans ici. » Aux États-Unis, là où le sport est né, la popularité du softball est telle que toutes les écoles ont leur propre équipe qui s’entraîne à l’année sur une multitude de terrains dédiés uniquement à ce sport. Au fil de la saison qui s’échelonne de mai à août, sinon jusqu’aux provinciaux en septembre, deux tournois majeurs s’arrêteront dans Vaudreuil-Soulanges où les spectateurs pourront mesurer l’efficacité des joueuses d’ici versus celles de nos voisins du Sud et de l’Ouest du pays. Un de ces tournois regroupera les équipes AA à L’Ile-Perrot à la fin juin et permettra de voir en action des équipes américaines, ontariennes et bien entendu québécoises. Il s’agira de la 2e édition de tournoi qui avait connu beaucoup de succès l’an passé.
Je retourne au gymnase la tête pleine de questions sur ce sport que je connaissais mal avant de le connaitre un peu mieux. « La mentalité des parents n’est pas la même quand leur enfant est une fille ou un garçon », ajoute Johanne Beaudoin. Avec un garçon, par exemple au hockey, les parents sont prêts à payer cher pour que leur enfant joue dans le AA, parce qu’ils le voient dans la ligue nationale ; à la ringuette, on essaie dans l’élite d’aller dans un tournoi à Gatineau, les parents trouvent ça cher! ». Cette discussion ouvre une brèche intéressante sur la façon dont les filles et les garçons vivent leur sport, mais hélas, une petite Clémence requiert l’attention d’une joueuse aux joues rouges qui vient de terminer son premier entrainement. J’accroche une enfant au passage qui en est à sa 7e année pour lui demander ce qui la ramène ici, année après année : « J’aime l’esprit d’équipe, je viens ici pour m’amuser. Je joue sans penser aux points », affirme Alexia Poulin, comme pour confirmer les dires de la présidente. « Peu importe le sport, c’est un développement personnel pour plus tard, ajoute Dave Poulin, son papa. Tu apprends à vivre en équipe et c’est la même chose en société ». Un autre papa, Michel Carrignan, accompagne sa fille Marie-Lune et a visiblement hâte que les matchs extérieurs commencent : « J’ai tout le temps hâte, quand la saison et l’entrainement commencent, c’est le fun, on se promène de parc en parc durant l’été ». Voilà qui est bien dit. De voir son enfant courir, s’amuser et s’épanouir en jouant au softball, par un air d’été léger avec tous les cris aigus qui l’accompagne, voilà une bonne façon de vivre la vie.
– Est-ce que je vais pouvoir avoir mon gant, papa? me questionne Clémence en sortant du gymnase.
Oui, à la condition que je m’en achète un, moi aussi.
Patrick Richard