(Français) Certains adolescents peuvent affirmer des choses que beaucoup d’adultes ne pourront jamais dire.
Certains adolescents peuvent affirmer des choses que beaucoup d’adultes ne pourront jamais dire. Par exemple : « En novembre, je m’en vais skier au Yukon. » Brenden Trudeau, 17 ans, est l’un des rares qui peut avancer ce genre de phrase. Mais ne vous fiez pas à lui pour jouer les vantards : il a la tête bien froide, et ce, même s’il porte une tuque 12 mois par année !
Il avait deux ans lorsqu’il a mis des skis pour la première fois. Encouragé par une famille versée dans les sports, Brenden Trudeau passe sa vie actuelle entre les pentes de ski d’ici et d’ailleurs et les bancs d’école du collège Marianopolis dans Westmount, où il étudie en sciences de la nature. Quand il dort, il se trouve habituellement dans son lit à Vaudreuil-Dorion et rêve peut-être à sa prochaine compétition : « Quand j’ai commencé comme débutant, je n’ai jamais lâché, mentionne le jeune homme inscrit au programme alliance sport-étude de son collège. J’étais un peu hésitant à essayer la course, mais après en avoir fait, j’ai vraiment aimé ça. » Aimé au point d’entreprendre, dès l’âge de 5 ans, ses premières courses avec son père, qui a réalisé rapidement qu’il ne gagnerait pas très longtemps ses courses contre son fils. Sitôt ses premières années de ski, Brenden croisait les regards des gens au bas des pentes du Mont Blanc dans la région des Laurentides où il s’entraîne, regards qu’on pouvait assurément interpréter : voilà un candidat intéressant pour représenter notre club. Il entame les compétitions dès l’âge de 7 ans et la suite des choses se résume en une décennie à gravir les échelons et à descendre les montages.
Ne passant pas une journée sans bouger, il a longtemps fait du cross-country et a aussi été membre de l’équipe de natation du collège Bourget, où il a complété son secondaire. Adepte du vélo l’été, il fait partie de ceux pour qui le sport va de soi : « C’est un feeling d’accomplissement, je me sens bien après avoir fait des activités, avoue-t-il. Je n’aime pas rester sur un sofa toute la fin de semaine à ne rien faire. » Après avoir parcouru, adolescent, les pentes du circuit régional et expérimenté ses premiers slaloms et slaloms géants, il court aujourd’hui avec son club en Estrie dans la catégorie d’âge U18-6 et descend le plus souvent les pentes des monts Orford, Sutton, Olmstead et Bromont. Ils sont 12, 7 garçons, 5 filles, à s’entraîner en salle et à voyager au Québec, en Ontario, dans le Maine et, pourquoi pas, en Europe. Au moment de faire l’entrevue plus tôt cet automne, il se préparait à partir en Autriche avant d’en revenir et de s’envoler au Yukon. Tout ça pour s’entraîner, car la vraie saison des courses débute à la mi-décembre pour se terminer vers la fin mars. Il participe à une trentaine de courses par année. Petit rappel : il a toujours 17 ans. « L’an passé, je n’ai pas réussi à obtenir les résultats que j’espérais, affirme-t-il humblement, mais cette année, j’ai plus d’expérience, je sais plus à quoi m’attendre. Je m’attends à bien me classer. »
Pour bien se classer, il doit faire un minimum de points. La notation en ski alpin a ses secrets que nous laisserons ici au soin de l’internaute curieux. Pour celui qui ne l’est pas, résumons en disant que les meilleurs coureurs de la course ont plus de chance de gagner que les moins bons… En fait, le temps par seconde qui sépare le coureur des meilleurs est additionné à une pénalité de base selon la piste, les conditions, etc. Mais au-delà des points qu’on ne veut pas gagner, ce qui fascine d’abord et avant tout le spectateur moyen qui regarde une course de ski aux quatre ans et qui comprend alors, et alors seulement la différence entre le slalom géant de celui qui ne l’est pas, c’est la vitesse. Il faut être fou pour descendre des pistes glacées à une vitesse qui peut frôler les 140 km/h, non, Brendan? « Sur une piste de trous et de glace, faut vraiment avoir de la confiance en soi, dit-il sans hésitation. Il faut aussi être très fort physiquement, surtout aux jambes, pour être en contrôle dans la piste, parce qu’aux virages, on a beaucoup de force G et il faut être capable de prendre ça et de le transmettre en vitesse. » Si simple… J’aurais pu être dû mettre des skis à l’âge de 2 ans.
Bien qu’il s’entraîne à l’année, notamment au Centre Multisports qui le parraine, et qu’il porte une attention particulière à la technique qui ne cesse de se peaufiner, il admet que le mental joue pour beaucoup quand on se trouve à quelques secondes de s’élancer en bas d’une piste dont on ne voit pas l’arrivée. Il n’y a plus de place pour le doute et encore moins pour la peur : « Avant de me coucher, ou avant une course, j’essaie de prendre ça plus relaxe et de penser à ce que j’ai à faire et comment je vais le faire, avance-t-il avec l’assurance de celui qui en a vu d’autres. Avec le stress, au départ, dès que tu te lances dedans, tout ça part et c’est le meilleur feeling que tu peux avoir. Oui, tu as des peurs, mais dès que tu commences la course, tout disparaît. Tu es vraiment dans une bulle. Ça passe quand même très vite, mais des fois, tu as des distractions, mais ça arrive rarement. » Si ses amis d’école le jalousent parfois en raison de ses nombreux départs durant la saison, le principal intéressé sait que sa vie n’est pas de tout repos et que cette vie, justement, il l’a construite à coup d’efforts et de sacrifices : « Mais c’est difficile de garder tout ça, finit-il par admettre. Quand je pars pour le ski en voyage, après, j’ai des heures d’étude, faut remettre tous les travaux, faut tout reprendre. C’est difficile de gérer le ski et l’école. » Ce qui ne l’empêche pas de rêver aux Jeux Olympiques et d’entrevoir ce rêve un pas à la fois, à commencer par celui de faire partie de l’équipe provinciale, l’an prochain ou dans deux ans. En attendant, il encourage ses deux jeunes frères, il continue à skier avec sa famille, moins souvent qu’avant, mais toujours là, au Mont Blanc. Aux aspirants pour qui il devient sans le chercher un modèle, il encourage à commencer très jeune et à prendre le plus de temps possible pour exercer son sport fétiche : « Fais-en quand tu peux et aie du fun quand tu le fais », résume-t-il.
Qui sait si dans quatre ans je ne retournerai pas au téléviseur pour entendre le nom de Brenden Trudeau, du Canada, et voir un fou s’élancer à 140 à l’heure sur une piste de Beijing, d’Innsbruck ou d’ailleurs. Où qu’il sera à ce moment, Brenden Trudeau portera en lui une certitude : celle de faire du sport pour être heureux.