Vous vous rappelez, ce refrain de Daniel Bélanger?
Mais quand je roule à vélo
La tête dans les étoiles et dans le vide
Le vent est doux, j’hallucine…
Je roule à vélo
La nuit est claire,
Le chemin désert
Je suis invincible,
Intouchable et immortel…
Difficile de dire si le cycliste originaire de Saint-Zotique, Benjamin Chartrand, a ce refrain en tête quand il roule avec son vélo de route sur les chemins asphaltés d’ici et d’ailleurs, mais à l’écouter parler avec autant d’amour de son sport d’affection, il semble intouchable et peut-être même immortel. Un peu moins quand il fait une vilaine chute, mais ça, c’est une autre histoire. À l’origine, pourtant, rien ne prédisposait le jeune homme de 20 printemps à affronter les meilleurs cyclistes du monde sur les routes du Nouveau-Mexique ou encore dans des épreuves européennes. Comme plusieurs autres jeunes à son âge, Benjamin joue au hockey au niveau midget. Un jour, il s’entraîne pour le Midget Espoir, il ne fait pas l’équipe, il se met au vélo presque aussi simplement que ça : « Au hockey, il y avait beaucoup de manigances, admet le coureur cycliste. Sur le vélo, tu pédales et tu as des résultats. Tous les efforts que tu mets servent directement. »
Les résultats sont arrivés plutôt rapidement pour Benjamin. Après avoir passé deux ans dans la catégorie cadet (15-16 ans) au sein de laquelle il a roulé un peu partout au Québec, il est passé à la catégorie junior (17-18 ans) où les portes du monde se sont lentement entrouvertes. Mais dans l’univers du vélo, on ne roule pas seul, et le chemin n’est pas nécessairement désert comme dans la chanson de Bélanger.
Rouler sur les routes de Vaudreuil-Soulanges un dimanche pour s’entraîner est une chose, rouler en Belgique, au Saguenay ou en Allemagne à l’occasion d’une course sanctionnée par l’Union cycliste internationale (UCI) en est une autre. Même si le cycliste pédale seul, la pratique du vélo demeure avant tout un sport d’équipe : « J’adhère à la mentalité du hockey, précise Benjamin Chartrand, ça ne me dérange pas d’aller chercher des bouteilles d’eau pour mes coéquipiers, j’aime autant voir mon coéquipier gagner que tirer en avant du peloton pour l’équipe. Le vélo, c’est aussi un sport d’équipe. » Il a été membre de quelques équipes au fil des dernières années, dont l’équipe Quilicot, bien connue à Montréal. Il a participé aux Jeux du Québec en 2010, il a couru au Tour de l’Abitibi, l’une des plus importantes compétitions internationales juniors où débarquent des équipes nationales de partout, et chaque fois, il a obtenu des résultats plus qu’intéressants, visitant parfois le podium au terme d’une épreuve. Aujourd’hui, il fait partie de l’équipe Transports Lacombe/Devinci, une des plus grosses équipes amateurs au Québec, avec neuf autres coureurs : « Quand tu fais partie d’une équipe et non plus d’un club, ça devient sérieux », mentionne celui dont la saison commence en avril pour se terminer en septembre. Au moment de le rencontrer, Benjamin revenait d’ailleurs d’un voyage à Cuba où il a préféré la route au sable chaud en pédalant 800 kilomètres durant sa semaine.
Une saison normale dans la vie d’un coureur cycliste se comprend de différentes façons et peut aussi se lire en nombre de kilomètres parcourus. Benjamin roulera de 15 à 20 000 kilomètres cette année, entraînement et courses confondus, principalement au Québec et aux États-Unis, mais aussi ailleurs dans le monde s’il est retenu pour un projet de l’équipe canadienne. Dans le panier de ses objectifs, le jeune homme entend faire bonne figure dans les courses plus importantes de l’UCI, dans la catégorie U23, où il a gagné en maturité. Le Grand Prix cycliste du Saguenay en mai et Le Tour de Beauce en juin font partie de ces courses.
Il entend aussi participer au Championnat canadien cycliste en juillet, toujours en Beauce, et courir aux États-Unis où il apprécie l’ambiance et le sens du spectacle développé par les Américains : « En Europe, le monde connaît vraiment le cyclisme, explique-t-il. En Belgique, c’est comme le hockey ici, c’est une religion. Mais aux États-Unis, c’est plus spectaculaire, c’est un peu comme les Régates à Valleyfield, les gens ne connaissent pas trop le vélo, mais c’est un gros party! »
Entre les heures d’entraînement et les coups de pédales sur les routes de la montagne de Rigaud, « un des plus beaux terrains de jeux » à ses yeux, Benjamin Chartrand poursuit des études en criminologie à l’Université de Montréal dans le but, peut-être, de se diriger en droit criminel : « Il n’y a pas vraiment d’argent à faire dans le vélo, affirme-t-il. Là, je m’amuse, je vois du pays. Mais il faut avoir d’autres plans. J’y vais année par année, je continue parce que j’aime ça. Il n’y a pas beaucoup de monde qui comprend quand je vais faire du vélo pendant six heures, mais je fréquente de plus en plus des cyclistes. » Sans le vouloir, Benjamin Chartrand incarne une espèce de phénomène rare dans notre région où l’on voit de plus en plus de cyclistes parcourir les routes, mais jamais avec autant d’endurance et de vitesse que lui. « Il y a sûrement un peu de génétique dans cette histoire-là, pour les capacités cardiaques et pulmonaires », prend-il le temps d’ajouter. Comment faire, alors, pour que Vaudreuil-Soulanges entre dans le circuit et dans le cœur des meilleurs cyclistes d’ici et d’ailleurs? Benjamin Chartrand répond avec passion : « Il faudrait plus de courses, les courses font qu’il y a de l’engouement, comme Les Mardis de Lachine. De toutes les courses que je fais, c’est celle que j’ai le plus hâte de faire, ça va vite, il y a du monde et de l’ambiance. Ils ont un bon sens du spectacle ». Ne vous surprenez pas si, dans les prochains mois, les vélos de route et les cyclistes assis dessus prenaient plus de place dans le paysage de Vaudreuil-Soulanges. Le Centre Multisports entend bien sortir de ses murs…